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Placer au cœur de son projet une mission d’intérêt général et non l’enrichissement de quelques‑uns ne confère pas d’avantages fiscaux
Les alertes sur les difficultés financières rencontrées par les associations se sont multipliées ces dernières années. Confrontées à une baisse des subventions publiques, ces structures ont souvent persévéré en recherchant d’autres sources de financement. Certaines ont opté pour un modèle consistant à développer une activité commerciale dont les bénéfices sont réinjectés dans la réalisation de missions d’intérêt général. Une association qui œuvre en faveur de la recherche médicale, par exemple, est tout à fait autorisée à l’autofinancer par la vente de brevets. Autorisée, mais pas vraiment encouragée.
S’il est entendable qu’un Etat en quête de 20 milliards d’économies par an n’ait pas la capacité d’apporter un soutien à tout un secteur, au moins doit‑il veiller à ne pas décourager les initiatives vers plus d’autonomie financière. Le développement d’une activité commerciale devrait donc au minimum faire l’objet, pour une association, d’un régime fiscal clément.
Application sans discernement de la doctrine européenne
Or, il n’en est rien : le dépassement d’un seuil de quelques dizaines de milliers d’euros de recettes annuelles entraîne l’assujettissement à l’impôt sur les sociétés au taux de droit commun.
Placer au cœur de son projet une mission d’intérêt général et non l’enrichissement de quelques‑uns ne confère donc pas d’avantages : le sort fiscal réservé à des bénéfices destinés à être distribués sous forme de dividendes est le même que pour ceux qui sont destinés à financer des projets vertueux.
Il est difficile de ne pas voir derrière cette règle un énième exemple d’application sans discernement de la doctrine européenne de la concurrence non faussée. Car, dans cette histoire, l’Etat français est guidé par sa crainte de créer une distorsion au détriment des sociétés commerciales, préférant abandonner les associations à leur sort – à l’exception de celles qui se cantonnent à des domaines boudés par le marché car peu porteurs, ou qui optent pour un positionnement commercial qui les éloigne de toute perspective de rentabilité.
Un bien commun
Est‑ce cette crainte qui conduit en outre à sanctionner les associations dont l’activité commerciale est insuffisamment accessoire en les sortant purement et simplement du dispositif fiscal favorable du mécénat ?
En tout état de cause, ces règles ne peuvent que conduire à décourager les associations d’acquérir une autonomie financière au moyen d’une activité commerciale rentable.
A l’heure où les crises se succèdent, exacerbant la fragilité des plus vulnérables, et où l’insuffisance des réponses de la puissance publique affaiblit la cohésion sociale, l’action de nos associations est plus que jamais indispensable.
Qu’il s’agisse de nourrir les plus démunis, de dynamiser la vie culturelle de territoires délaissés, d’aider des enfants en difficulté scolaire, d’apporter des soins aux personnes âgées ou de créer des lieux de réflexion indispensables à la vitalité de notre démocratie, des milliers d’associations, portées par des millions de citoyens engagés et altruistes, répondent présent malgré des difficultés financières structurelles qui entravent jusqu’aux plus emblématiques d’entre elles.
Le savoir‑faire que les associations, et plus largement les organismes sans but lucratif, ont développé dans des domaines aussi variés que l’éducation, la santé, la petite enfance ou encore la culture est inestimable. C’est un bien commun.
Un solide témoignage de soutien
Il n’est plus concevable de les contraindre à trouver par eux‑mêmes des fonds tout en leur proposant un cadre fiscal inadapté voire dangereux pour leur équilibre économique.
Que faire ? Une réponse bienvenue pourrait être de fixer un principe de non‑assujettissement à l’impôt sur les sociétés des organismes sans but lucratif qui développent une activité commerciale pour financer une mission d’intérêt général. Ainsi, une association consacrant une partie de son activité à la vente de vêtements de seconde main dans le but de récolter des fonds destinés à l’aide aux plus démunis sera enfin protégée du risque fiscal qui découle actuellement d’une telle initiative. Ce régime favorable devra bien évidemment être encadré de façon que seules les structures respectant strictement les règles d’une gestion désintéressée en soient bénéficiaires.
Ce geste, à l’impact limité sur nos finances publiques, serait un solide témoignage de soutien à des structures qui portent les causes majeures de notre époque. L’égalité des chances, la recherche médicale, la lutte contre la pauvreté, la lutte contre le dérèglement climatique doivent l’emporter sur les intérêts économiques des sociétés commerciales et de leurs actionnaires. N’est‑ce pas le rôle de la fiscalité que de rappeler nos priorités ?